MOTION D’INTERPELLATION DE LA CIMADE DU MERCREDI 22 OCTOBRE 2014

SUR LES GRAVES VIOLATIONS DES DROITS DE L’HOMME EN CÔTE D’IVOIRE
Nous sommes réunis ici ce mardi 21 octobre 2014 devant le siège de la CIMADE pour vous interpeller sur les graves violations des Droits de l’Homme qui se poursuivent en Côte d’Ivoire.
Dans leur premier article, vos statuts mentionnent que « La Cimade a pour but de manifester une solidarité active avec ceux qui souffrent, qui sont opprimés et exploités et d’assurer leur défense, quelles que soient leur nationalité, leur position politique ou religieuse. » Et bien nous vous demandons de bien avoir l’obligeance l’espace de quelques heures de bien vouloir nous écouter sur la tragédie ivoirienne qui se poursuit car elle est au cœur de votre mission statutaire.
Nous ne sommes pas venus en ennemis, ni par ce que manifester dans les rues de Paris, de France et d’Europe serait notre sport favori. Nous sommes tous des parents occupés et responsables. Si nous mettons nos obligations familiales et professionnelles de côté pour venir vous interpeller sous vos fenêtres, c’est pour relayer les souffrances de celles et ceux au pays  qui continuent de subir les exactions du Régime de Terreur qui s’est abattu sur la Côte d’ivoire après près d’une décennie de rébellion armée sanguinaire.  C’est aussi parce que nous n’avons pas encore atteint le seuil de colère légitime, de désarroi et de souffrance de certains de nos vaillants camarades de lutte. Dédicace spéciale à maman Yvette Stanley PRAGER[1] qui nous a montré le chemin d’un engagement total et sincère dans la lutte jusqu’au sacrifice de sa propre vie.
Beaucoup de nos compagnons de combat pensent que vous savez pertinemment l’Etat de non droit qu’est devenue la Côte d’Ivoire et que la plupart des ONG internationales sont complices de la rébellion armée institutionnalisée qui continue d’endeuiller le pays. Tout cela pour servir l’ordre néocolonial qui pille les richesses  africaines  au détriment des peuples.
Alors il est vrai que la CIMADE est plus connue pour le rôle qu’elle joue auprès des demandeurs d’asile ou encore ses missions d’accompagnement et d’observation des centres de rétention administrative. A ce titre, il vous échoie donc d’accompagner des personnes qui ont été amenées à quitter souvent brutalement leur maison, leur village et leur pays sur la base des informations que d’autres organismes voire les demandeurs d’asile eux-mêmes vous transmettent en amont. C’est pour cela que nous souhaitons attirer votre attention sur la situation réelle de la Côte d’Ivoire qui n’est pas le pays réconcilié avec lui-même en passe de réussir son « émergence » ou sa « convergence » deux termes très galvaudés par les forces d’occupation de la Côte d’Ivoire. Parce qu’il est toujours plus facile de partir d’exemples concrets surtout en matière de droit d’asile où chaque cas est unique par delà les similitudes entre frères d’exil, nous commencerons par évoquer Inzatta, cette jeune femme Dioula qui arrivait profondément traumatisée en France en 2004 après avoir vu son frère et sa mère se faire assassiner sous ses yeux. La lettre d’appui qu’elle reçut de la CIMADE joua un rôle décisif dans le regroupement familial qu’elle sollicitait en janvier 2011. En revanche, le premier demandeur d’asile « pro-GBAGBO » nous fut adressé peu après par une Assistante Sociale française qui connaissait notre engagement pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et craignait qu’il ne subisse de mauvais traitements y compris de la part de ceux qui comme vous étaient supposés lui venir en aide, allant jusqu’à citer 3 ONG dont la vôtre en qui elle n’avait plus confiance : France Terre d’Asile, GISTI et la CIMADE justement. A tort ou à raison, elle a préféré nous envoyer ce jeune pour que nous l’aidions à faire ses démarches plutôt que de l’adresser à vous autres organismes experts en la matière. Nous avons également assisté à quelques audiences publiques devant la CNDA et avons pu constater qu’aujourd’hui un demandeur d’asile qui se revendique Dioula ayant grandi chez un père adoptif cadre du FPI dans le Nord du pays, ne peut pas avoir été victime des rebelles de OUATTARA qui l’ont laissé pour mort en 2009 au point qu’il s’est réfugié en « zone libre » dirigée par le régime légal de Laurent GBAGBO jusqu’en 2011 où il a fui vers la France  pour se protéger des exactions des anciens rebelles maintenant au pouvoir. Parce que l’OFPRA a produit un rapport complètement fictif sur la base d’une mission effectuée fin 2012 en Côte d’Ivoire[2] et dont l’objectif était tout sauf de témoigner de la réalité mais bien de « sauver le soldat OUATTARA », ce jeune homme a été débouté de sa demande d’asile au motif qu’un Dioula selon eux ne pouvait pas avoir été violenté, voire laissé pour mort par des militants du RDR car c’était eux les gens du FPI qui étaient supposés être des « miliciens xénophobes assassinant les étrangers ».  Il en va de même pour Basile et Jacques respectivement neveu et frère de Firmin MAHE qui ont été expropriés de leurs terres natales, pourchassés et qui ont eu la chance de s’en sortir contrairement à une grande partie de leurs parents, amis et voisins Wé de BANGOLO et même d’ABIDJAN où ils avaient pu se réfugier.
Que vous le vouliez ou non : « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ». Et c’est parce que vous avez un rôle si déterminant non seulement auprès de la CPI[3] mais aussi sur  l’ensemble des juridictions qui s’appuient sur vos rapports pour décider que nous n’avons pas le droit de nous taire.
Depuis 2002, les crimes impunis se sont accumulés faisant des dizaines de milliers de victimes directes sans compter toutes les victimes collatérales de l’exil, de la dislocation familiale, engendrées par ce régime sanguinaire qui ne dit pas son nom[4]
Les graves violations des droits de l’Homme et la dissuasion par la Terreur de toute velléité de contestation ne touchent pas seulement l’opposition. Sur les milliers de prisonniers politiques qui ont été arbitrairement arrêtés et incarcérés, rappelons qu’il n’y pas seulement des partisans de l’ancien Régime :
Que dire de l’embastillement de Basile Mahan Gahé[5] ce grand combattant de la liberté syndicale arrêté pour avoir refusé de suivre le mot d’ordre de grève lancé par la rébellion armée à laquelle il n’adhérait pas et mort des suites des sévices subis  pendant plus de 18 mois pour avoir exercé son droit le plus inaliénable de faire ou de ne pas faire grève justement ?
Que dire encore des souffrances endurées par les centaines de prisonniers politiques souvent anonymes et pas toujours partisans de l’ancien régime qui croupissent toujours dans les geôles de OUATTARA[6] ? Ces véritables boucliers humains et monnaie d’échange du pouvoir sont pourtant présumés innocents jusqu’à ce que les charges retenues contre eux soient établies tandis qu’ils subissent toutes sortes de tortures physiques et morales dans des conditions de détention inhumaines et sans avoir été jugés depuis plus de 3 ans. « Jugez-nous ou libérez-nous » clament-ils légitimement à l’occasion de la grève de la faim illimitée qu’ils s’apprêtent à reprendre incessamment sous peu sauf prise en compte inespérée de leurs principales doléances par les autorités ivoiriennes. Et nous ne parlons même pas des détenus politiques morts des suites de blessures volontaires lors de vraies fausses mutineries ou encore faute de soins. Nous avons une pensée spéciale pour Joël PEKOULA prisonnier politique décédé à la MACA après bien d’autres  le 10 novembre 2013 après plusieurs refus de le transférer à l’hôpital.
Mais il n’y a pas qu’en prison que l’assistance médicale fasse défaut et c’est toute la société civile ivoirienne qui est touchée par l’incapacité des pouvoirs publics actuels à assurer les soins les plus élémentaires. Et nous en voulons pour preuve la mort d’Awa FADIGA, belle et jeune mannequin fauchée en plein vol faute d’avoir pu accéder aux soins légitimes que son état requérait. On est loin des projets faramineux, aussi coûteux qu’indécents au regard de la vétusté et de la pauvreté des moyens consacrés à la santé tel cet hôpital privé de luxe de la fondation Children of Africa[7] ou encore de l’Assurance Maladie Universelle prévue  par le régime précédent, mais qui n’a jamais pu vraiment voir le jour pour cause de rébellion meurtrière et de partition du pays. Pendant qu’Awa FADIGA[8] succombait à ses blessures faute de soins dans un hôpital bondé et sous-équipé d’ABIDJAN,  d’autres se faisaient dorloter dans des hôpitaux parisiens.
Sur l’impunité des graves violations des Droits humains qui se poursuivent en Côte d’Ivoire, on pourrait encore citer le drame du  jeune Joël TIEMOKO assassiné récemment pour avoir seulement satisfait des besoins naturels sur un site de logements sociaux en construction (ou ne serait-ce par plutôt parce qu’il était militant du FPI ?). Il y a encore l’assassinat du journaliste Désiré OUE[9] le 14 novembre 2013 qui survient après ceux de ses confrères Antoine MASSE en 2004 et Sylvain GAGNETAUD en mai 2011. Son assassinat barbare d’une balle en plein torse sous les yeux de sa famille ligotée n’a même pas fait l’objet du moindre début d’enquête en dépit des annonces faites il y a près d’un an pour calmer les esprits. Alex Saint-Joël GNONSIAN témoin survivant du massacre de NAHIBLY[10] en 2012 après celui de DUEKOUE en 2011[11] était supposé être protégé par la FIDH et l’ONUCI. Il a pourtant été assassiné par les FRCI dans la nuit du 30 au 31 décembre 2013[12].
Pour tous ces crimes odieux et gratuits, les assassins souvent identifiés courent toujours en liberté.
Mais c’est également dans les cercles proches de l’actuel parti au pouvoir que des morts suspectes appellent des enquêtes et des expertises indépendantes aux résultats incontestables pour faire toute la lumière sur les graves événements qui ont endeuillés la Côte d’Ivoire toutes ses dernières années. Nous pensons notamment à l’élimination d’IB dont nous sommes loin de mesurer le rôle dans les crimes impunis du Commando Invisible d’ABOBO de plus de 700 hommes qu’il a commandés pendant toute la crise postélectorale (et sans doute bien en amont !). La manifestation de la vérité sur ses heures sombres de l’Histoire récente de la Côte servirait à n’en pas douter  la vérité sur d’autres tragédies impunies, comme le massacre d’ANONKOUA KOUTE[13] ou encore les dossiers très médiatisés avec forts enjeux judiciaires de l’attaque de la RTI du 16 décembre 2010, de la mort supposée de 7 femmes et du bombardement du marché d’ABOBO[14] de mars 2011, ainsi que de nombreuses autres affaires non élucidées telle la disparition d’Yves LAMBLIN, de Stéphane Frantz di RIPPEL et de leurs collaborateurs au NOVOTEL d’ABIDJAN début avril 2011 après le non moins tragique et étouffé assassinat du très gbagbophile mais néanmoins Français Philippe Rémond[15]. Et nous ne vous parlons même pas de l’affaire KIEFFER qui a été largement instrumentalisée pour faire tomber GBAGBO et dont le juge d’instruction Patrick RAMAEL aurait été détaché de la Justice française pour devenir Conseiller de OUATTARA en charge de la réforme de la Justice[16]. Beau gage d’indépendance !
L’impunité étant un des principaux facteurs de récidive et l’exemplarité une des plus grandes valeurs pédagogiques, nous vous prions de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour que les auteurs, co-auteurs directs ou indirects soient poursuivis et sanctionnés à la hauteur de leurs crimes.
Rappelons d’ailleurs sur cette question de l’impunité que la force Licorne s’est rendue coupable de nombreux crimes largement documentés comme la fusillade de l’Hôtel Ivoire du 9 novembre 2004[17]. Nous pensons d’ailleurs que c’est parce que la prescription décennale des crimes pour engager une action sera bientôt atteinte que tout est fait pour enterrer l’affaire MAHE[18] en empêcher ses proches (notamment son frère Jacques et son neveu Basile précités en proie à toutes sortes de maltraitances ici en France depuis près de 2 ans).



« On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps» disait Abraham LINCOLN. Et nous conclurons sur un autre  proverbe, africain celui là, repris par Charles Blé GOUDE lors de son allocution du jeudi 02 octobre 2014 devant la CPI[19] auquel nous renvoyons tous ceux qui veulent vraiment servir la vérité en Côte d’Ivoire comme ailleurs : « Réclamons les dents de la panthère à celui qui a mangé la tête » !


Plus  d’infos sur la tragédie ivoirienne qui se poursuit dans un silence médiatique assourdissant:





[3] Rappelons que la CIMADE est  membre de la CFCPI (Coalition Française pour la CPI) et qu’à ce titre nous vous appelons à la plus grande vigilance sur la parodie de justice qui est en train de ruiner tous les espoirs de cette noble juridiction sur le papier mais rompue à l’ordre néocolonial dans la réalité (http://www.cfcpi.fr/spip.php?rubrique8#organisation ; http://contrepoids-infos.blogspot.fr/2014/07/le-plan-commun-de-la-cpi-et-nervis-pour.html)
[4]Mémorandum en images non exhaustif sur la tragédie ivoirienne depuis 2002 : http://contrepoids-infos.blogspot.fr/2012/12/memorandum-en-images-sur-la-cote-divoire.html
[5]  Basile Mahan Gahé est mort pour avoir défendu la liberté syndicale :
[13]Ville martyre d’Anonkoua Kouté. Civils violés, torturés, brûlés vifs par les rebelles en mars 2011. Leur crime : avoir reçu la Première Dame également députée d’ABOBO. Bilan : 24 morts, 40 blessés, centaines de disparus et exode massif. http://youtu.be/o7cO2pl43qk    http://presse.ivorian.net/informations/?p=2189 http://cotedivoire-lavraie.over-blog.fr/article-hrw-ils-les-ont-tues-comme-si-de-rien-n-etait-2eme-partie-des-civils-brules-vifs-105177957.html
[18]Interview de Jacques DAHOU, le frère de Firmin MAHE depuis un des hôpitaux dans lequel il est « détenu » depuis près de deux ans http://www.youtube.com/watch?v=qVBmQzfjWRQ ; Interview de Jacques DAHOU parue dans Billets d’Afrique de Survie Mai 2014 : http://survie.org/auteur/jacques-dahou

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