MOTION D’INTERPELLATION DE LA CROIX ROUGE FRANCAISE DU MARDI 21 OCTOBRE 2014
SUR LES GRAVES VIOLATIONS DES DROITS DE L’HOMME EN CÔTE
D’IVOIRE
Nous sommes réunis ici ce mardi 21
octobre 2014 devant le siège de la Croix Rouge française pour vous interpeller
sur les graves violations des Droits de l’Homme qui se poursuivent en Côte
d’Ivoire.
Nous ne sommes pas venus en ennemis,
ni par ce que manifester dans les rues de Paris, de France et d’Europe serait
notre sport favori. Nous sommes tous des parents occupés et responsables. Si
nous mettons nos obligations familiales et professionnelles de côté pour venir
vous interpeller sous vos fenêtres, c’est pour relayer les souffrances de
celles et ceux au pays qui continuent de
subir les exactions du Régime de Terreur qui s’est abattu sur la Côte d’ivoire
après près d’une décennie de rébellion armée sanguinaire. C’est aussi parce que nous n’avons pas encore
atteint le seuil de colère légitime, de désarroi et de souffrance de certains
de nos vaillants camarades de lutte. Dédicace spéciale à maman Yvette Stanley
PRAGER[1]
qui nous a montré le chemin d’un engagement total et sincère dans la lutte
jusqu’au sacrifice de sa propre vie.
Beaucoup de nos compagnons de combat pensent
que vous savez pertinemment l’Etat de non droit qu’est devenue la Côte d’Ivoire
et que la plupart des ONG internationales sont complices de la rébellion armée institutionnalisée
qui continue d’endeuiller le pays. Tout cela pour servir l’ordre néocolonial qui
pille les richesses africaines au détriment des peuples.
Depuis 2002, les crimes impunis se sont
accumulés faisant des dizaines de milliers de victimes directes sans compter
toutes les victimes collatérales de l’exil, de la dislocation familiale,
engendrées par ce régime sanguinaire qui ne dit pas son nom[2]…
Les graves violations des
droits de l’Homme et la dissuasion par la Terreur de toute velléité de
contestation ne touchent pas seulement l’opposition. Sur les milliers de
prisonniers politiques qui ont été arbitrairement arrêtés et incarcérés,
rappelons-nous qu’il n’y pas seulement des partisans de l’ancien Régime :
Que dire de l’embastillement
de Basile Mahan Gahé[3] ce grand combattant de la
liberté syndicale arrêté pour avoir refusé de suivre le mot d’ordre de grève
lancé par la rébellion armée à laquelle il n’adhérait pas et mort des suites
des sévices subis pendant plus de 18
mois pour avoir exercé son droit le plus inaliénable de faire ou de ne pas
faire grève justement ?
Que dire encore des
souffrances endurées par les centaines de prisonniers politiques souvent
anonymes et pas toujours partisans de l’ancien régime qui croupissent toujours
dans les geôles du Régime[4] ? Ces véritables
boucliers humains et monnaie d’échange du pouvoir sont pourtant présumés
innocents jusqu’à ce que les charges retenues contre eux soient établies tandis
qu’ils subissent toutes sortes de tortures physiques et morales dans des
conditions de détention inhumaines[5] et sans avoir été
jugés depuis plus de 3 ans. « Jugez-nous
ou libérez-nous » clament-ils légitimement à l’occasion de la grève de
la faim illimitée qu’ils s’apprêtent à reprendre incessamment sous peu sauf
prise en compte inespérée de leurs principales doléances par les autorités
ivoiriennes. Et nous ne parlons même pas des détenus politiques morts des
suites de blessures volontaires lors de vraies fausses mutineries ou encore
faute de soins. Nous avons une pensée
spéciale pour Joël PEKOULA prisonnier
politique décédé à la MACA après bien d’autres le 10 novembre 2013 après plusieurs refus de
le transférer à l’hôpital.
Mais il n’y a pas qu’en prison que l’assistance médicale
fasse défaut et c’est toute la société civile ivoirienne qui est touchée par
l’incapacité des pouvoirs publics actuels à assurer les soins les plus
élémentaires. Et nous en voulons pour preuve la mort d’Awa FADIGA, belle et
jeune mannequin fauchée en plein vol faute d’avoir pu accéder aux soins
légitimes que son état requérait. On est loin des projets
faramineux, aussi coûteux qu’indécents au regard de la vétusté et de la
pauvreté des moyens consacrés à la santé tel cet hôpital privé de luxe de la fondation Children of
Africa[6] ou encore de l’Assurance
Maladie Universelle prévue par le régime
précédent, mais qui n’a jamais pu vraiment voir le jour pour cause de rébellion
meurtrière et de partition du pays. Pendant qu’Awa FADIGA[7] succombait à ses
blessures faute de soins dans un hôpital bondé et sous-équipé d’ABIDJAN, d’autres se faisaient dorloter dans des
hôpitaux parisiens.
Sur l’impunité
des graves violations des Droits humains qui se poursuivent en Côte d’Ivoire,
on pourrait encore citer le drame du
jeune Joël TIEMOKO assassiné récemment pour avoir seulement satisfait
des besoins naturels sur un site de logements sociaux en construction (ou ne serait-ce par plutôt parce
qu’il était militant du FPI ?). Il y a encore l’assassinat du journaliste Désiré
OUE[8]
le 14 novembre 2013 qui survient après ceux de ses confrères Antoine MASSE en
2004 et Sylvain GAGNETAUD en mai 2011. Son assassinat barbare d’une balle en
plein torse sous les yeux de sa famille ligotée n’a même pas fait l’objet du
moindre début d’enquête en dépit des annonces faites il y a près d’un an pour
calmer les esprits. Alex Saint-Joël GNONSIAN témoin survivant du massacre de
NAHIBLY[9]
en 2012 après celui de DUEKOUE en 2011[10] était supposé être
protégé par la FIDH et l’ONUCI. Il a pourtant été assassiné par les FRCI dans
la nuit du 30 au 31 décembre 2013[11].
Pour
tous ces crimes odieux et gratuits, les assassins souvent identifiés courent
toujours en liberté.
Mais
c’est également dans les cercles proches de l’actuel parti au pouvoir que des
morts suspectes appellent des enquêtes et des expertises indépendantes aux
résultats incontestables pour faire toute la lumière sur les graves événements
qui ont endeuillés la Côte d’Ivoire toutes ses dernières années. Nous pensons
notamment à l’élimination d’IB dont nous sommes loin de mesurer le rôle dans
les crimes impunis du Commando Invisible d’ABOBO de plus de 700 hommes qu’il a
commandés pendant toute la crise postélectorale
(et sans doute bien en amont !). La manifestation de la vérité sur
ses heures sombres de l’Histoire récente de la Côte servirait à n’en pas
douter la vérité sur d’autres tragédies
impunies, comme le massacre d’ANONKOUA KOUTE[12] ou encore les
dossiers très médiatisés avec forts enjeux judiciaires de l’attaque de la RTI
du 16 décembre 2010, de la mort supposée des 7 femmes et du bombardement du
marché d’ABOBO[13] de mars 2011,
ainsi que de nombreuses autres affaires non élucidées telle la disparition
d’Yves LAMBLIN, de Stéphane Frantz di RIPPEL et de leurs collaborateurs au
NOVOTEL d’ABIDJAN début avril 2011 après le non moins tragique et étouffé
assassinat du très gbagbophile mais néanmoins Français Philippe REMOND[14].
Et nous ne vous parlons même pas de l’affaire KIEFFER qui a été largement
instrumentalisée pour faire tomber GBAGBO et dont le juge d’instruction Patrick
RAMAEL aurait été détaché de la Justice française pour devenir Conseiller de
OUATTARA en charge de la réforme de la Justice[15]. Beau gage
d’indépendance !
L’impunité étant un des
principaux facteurs de récidive et l’exemplarité une des plus grandes valeurs
pédagogiques, nous vous prions de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour
que les auteurs, co-auteurs directs ou indirects soient poursuivis et
sanctionnés à la hauteur de leurs crimes.
Rappelons d’ailleurs sur
cette question de l’impunité que la force Licorne s’est rendue coupable de
nombreux crimes largement documentés comme la fusillade de l’Hôtel Ivoire du 9
novembre 2004[16]. Nous pensons d’ailleurs
que c’est parce que la prescription décennale des crimes pour engager une
action sera bientôt atteinte que tout est fait pour enterrer l’affaire MAHE[17] en empêcher ses proches de
témoigner (notamment son frère Jacques et son neveu Basile en proie à toutes
sortes de maltraitances ici en France depuis près de 2 ans). Nous tenons d’ailleurs à vous remercier d’avoir accepté de
domicilier Jacques en région parisienne ce qui nous a permis difficilement mais
avec succès d’obtenir qu’il bénéficie d’un titre de séjour pour soins même si
nous nous étonnons que les AR de recommandés avec parfois enjeux vitaux s’égarent
parfois entre les expéditeurs et vos points d’accueil/distribution du courrier.
« On peut tromper une partie du
peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas
tromper tout le peuple tout le temps» disait
Abraham LINCOLN. Et nous conclurons sur un autre proverbe, africain celui là, repris par
Charles Blé GOUDE lors de son allocution du jeudi 02 octobre 2014 devant la CPI[18] auquel nous renvoyons
tous ceux qui veulent vraiment servir la vérité en Côte d’Ivoire comme
ailleurs : « Réclamons les dents de la panthère à celui qui a mangé la tête » !
Plus d’infos sur la tragédie
ivoirienne qui se poursuit dans un silence médiatique assourdissant:
http://le-blog-sam-la-touch.over-blog.com
[1] Hommage à Yvette par Grégory Protche :
http://www.legrigriinternational.com/2014/10/yvette-ble-goude-stanley-koudou-prager-gregory-protche-version-texte.html
[2] Mémorandum en images non exhaustif sur la
tragédie ivoirienne depuis 2002 :
[3] Basile Mahan Gahé est mort pour avoir
défendu la liberté syndicale :
[4] Sur la grève de la faim: http://contrepoids-infos.blogspot.fr/2014/09/greve-de-la-faim-des-prisonniers_6.html
[5] Sur la situation des prisonniers politiques
ivoiriens en proie à toutes sortes de tortures morales et physiques :
http://contrepoids-infos.blogspot.fr/2014/09/les-prisons-sous-ouattara-sont-devenues.html
http://contrepoids-infos.blogspot.fr/2014/09/les-prisons-sous-ouattara-sont-devenues.html
[8] Vérité
et Justice pour Désiré OUE :
[9] Le
drame de NAHIBLY : http://contrepoids-infos.blogspot.fr/2013/03/la-deuxieme-tragedie-de-duekoue-en.html
[12]Ville martyre d’Anonkoua Kouté. Civils
violés, torturés, brûlés vifs par les rebelles en mars 2011. Leur crime :
avoir reçu la Première Dame également députée d’ABOBO. Bilan : 24 morts,
40 blessés, centaines de disparus et exode massif. http://youtu.be/o7cO2pl43qk http://presse.ivorian.net/informations/?p=2189 http://cotedivoire-lavraie.over-blog.fr/article-hrw-ils-les-ont-tues-comme-si-de-rien-n-etait-2eme-partie-des-civils-brules-vifs-105177957.html
[17] Interview de Jacques DAHOU, le frère de Firmin MAHE depuis
un des hôpitaux dans lequel il est « détenu »
depuis près de deux ans http://www.youtube.com/watch?v=qVBmQzfjWRQ
; Interview de Jacques DAHOU parue dans Billets
d’Afrique de Survie Mai 2014 : http://survie.org/auteur/jacques-dahou
; http://contrepoids-infos.blogspot.fr/2014/02/affaire-mahe-quand-la-justice-francaise.html
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