Aminata Traoré et Laurent Gbagbo
Aminata TRAORE : "Laurent Gbagbo n'est pas un dictateur. [...] Objectivement, aujourd'hui, on a humilié quelqu'un qui a été le premier en Afrique de l'Ouest à défier un homme extrêmement puissant qui s'appelait Félix Houphouët BOIGNY dans un contexte où tout le monde-y compris moi-même- on se taisait. C'est lui d'abord qui a exigé le multipartisme des élections. Il a fait de la prison pour ça. Lui et sa femme sont syndicalistes. Lui, il a dit qu'il fallait être autre chose que d'être à la solde du capitalisme français, d'être la vitrine du capitalisme français et qu'on pouvait envisager l'avenir de la Côte d'Ivoire et de la sous-région autrement. [...]"
Extrait de son intervention à Nantes début mai 2011 que l'on peut revoir sur le lien suivant :
https://www.youtube.com/watch?v=99-GB4xbGog
Autres vidéos d'Aminata TRAORE
Lien vers la vidéo : "Le vrai visage de la France"
Aminata Traoré, la militante qui dénonce l'"humiliante
ingérence" de la France au Mali
L'ancienne ministre malienne de la Culture, Aminata Traoré,
est l'une des rares personnalités politiques à s’être opposée à l'intervention
militaire de la France au Mali. Une parole discordante que Paris ne veut pas
entendre, selon la militante.
Lien vers l'article et la vidéo associée : Article de France 24 : Aminata TRAORE dénonce l'intervention française au Mali
https://www.youtube.com/watch?v=99-GB4xbGog
Aminata traoré « Quelle Afrique voulons-nous ? »
Entretien réalisé par
Rosa Moussaoui
Mardi, 19 Avril, 2011
Article que l'on peut retrouver sur ce Lien vers l'interview d'Aminata TRAORE dans l'Humanité du 19 avril 2011
L’intervention
militaire conjointe de l’Onuci et de la force française Licorne relève
de l’ingérence, affirme l’essayiste et
militante altermondialiste. L’ancienne ministre de la Culture
du Mali plaide pour une démocratie
africaine par et pour les peuples, propre
à émanciper
le continent du pillage néocolonial.
Vous avez
longtemps vécu et travaillé en Côte d’Ivoire. Que ressentez-vous à la vue du
chaos dans lequel est aujourd’hui plongé ce pays ?
Aminata
Dramane Traoré. Je suis horrifiée. Nous devons cette nouvelle
humiliation à notre immaturité politique qui consiste à réduire la démocratie
aux élections en perdant de vue le jeu des intérêts dominants et l’asymétrie
des rapports de forces.
L’attaque de
la résidence du président Laurent Gbagbo et son arrestation ne sont ni plus ni
moins qu’une illustration de ce que cheikh Hamidou Khan appelle l’art de
vaincre sans avoir raison, qui est le propre de l’Occident.
Je suggère
dans ma Lettre au président des français à propos de la Côte d’Ivoire et de
l’Afrique en général une inversion des priorités de manière à privilégier le
projet de société, à faire de l’élection le choix de gouvernants capables de
réaliser ce projet dans le respect des aspirations des peuples. Riches de leurs
expériences individuelles, les principaux protagonistes de la crise ivoirienne
(Laurent Gbagbo, Alassane Dramane Ouattara et Konan Bédié) auraient pu, dans
une telle perspective, diagnostiquer les politiques économiques mises en œuvre
et proposer des alternatives au système capitaliste qui a fait de la Côte
d’Ivoire un réservoir de matières premières avec les conséquences sociales,
politiques et écologiques que l’on sait.
L’absence de
débats de fond sur les conséquences catastrophiques du système néolibéral sur
l’emploi, l’agriculture et les sociétés paysannes, le revenu, l’éducation,
la santé, la cohésion sociale, la relation
au pouvoir et à l’argent nuit considérablement à la construction d’une
démocratie conforme à la demande des Africains.
Je ne vois
pas comment ni pourquoi la démocratie qui est en crise en Occident pourrait
faire des miracles en Afrique au point de justifier une expédition punitive.
Mais, à propos des dominés, les dominants ne se posent pas ce genre de
questions.
Comment
jugez-vous la participation des militaires français de la force Licorne à
l’offensive militaire qui a délogé Laurent Gbagbo de la résidence
présidentielle, le 11 avril dernier ?
Aminata
Dramane Traoré. À ce sujet, on en entend des vertes et des pas mûres
de la part des officiels français et des prétendus spécialistes de l’Afrique.
Leur thèse peut être ainsi résumée : l’Afrique se mondialise et décide
librement de faire du commerce avec les partenaires de son choix, la Chine
étant l’un des plus importants. La France et les autres puissances occidentales
ne voient pas, semble-t-il, de mal à cette situation. Elles seraient tout
simplement soucieuses de nous mettre sur le droit chemin de l’État de droit,
qui passe par des élections régulières, transparentes et propres.
Les Ivoiriens
n’y seraient pas parvenus tout seuls par la faute de Laurent Gbagbo qui, après
avoir été battu, semble-t-il, au deuxième tour de l’élection présidentielle du
28 novembre 2010 par Alassane Ouattara, se serait accroché au pouvoir.
Les tenants
de ce discours le classent aussitôt parmi les dictateurs à qui la France se
doit de donner un « avertissement », comme l’a exprimé le premier ministre
français, François Fillon, à l’Assemblée nationale. On est stupéfaits par une
telle arrogance quand on se réfère à l’opinion que les Français se font de leur
démocratie et à la cote de popularité du président Sarkozy, qui est au plus
bas.
À mon avis,
la France de Nicolas Sarkozy est intervenue militairement, avec les Nations
unies en cheval de Troie, pour ce que je considère comme une action de dressage
démocratique de l’homme africain. Une bonne partie des populations civiles à
défendre ont non seulement présent à l’esprit le discours de Dakar, mais sont
parfaitement conscientes des humiliations de l’immigration « choisie » dont le
président français est le père. Son nouveau ministre de l’Intérieur, Claude
Guéant, en remet une couche en s’attaquant à l’immigration légale. Si nous
comprenons bien, le soutien aux « révolutions » et à la « démocratisation » a
des limites. La France nous aime libres et en démocratie. Mais entre nous et
chez nous.
Peut-on
résumer la crise ivoirienne à une crise postélectorale, à un contentieux entre
un « président reconnu par la communauté internationale » et un perdant
accroché au pouvoir ?
Aminata
Dramane Traoré. Le contentieux électoral est le prétexte qui, lorsque les
enjeux économiques et géostratégiques l’exigent, peut servir de justification à
toute sorte d’agression. Mis à part cette instrumentalisation, je ne vois
aucune raison de mettre un pays souverain à feu et à sang. Point n’est besoin
de rappeler que ce type de contentieux se règle souvent sans qu’aucune goutte
de sang ne coule. Nous connaissons bon nombre de cas où les redresseurs de
torts ont fermé les yeux sur les fraudes et sont même allés parfois jusqu’à
inverser les résultats électoraux.
En somme,
loin d´être un problème ivoiro-ivoirien, cette crise est l’une des expressions
tragiques de la marche chaotique et macabre du monde depuis la chute du mur de
Berlin.
Laurent
Gbagbo ne porte-t-il pas une lourde responsabilité dans cette longue crise ?
Aminata
Dramane Traoré. Pas plus que la France et les Nations unies qui,
depuis la mort de Félix Houphouët-Boigny, ont joué sans en avoir l’air la carte
du « tout sauf Laurent Gbagbo ». Il suffit de se référer à l’édifiant
documentaire de Patrick Benquet, la Françafrique, pour comprendre l’ingérence
permanente dans nos affaires.
Le passé et
le profil de Laurent Gbagbo ne répondent pas aux critères des maîtres du monde
dans leur casting des dirigeants des pays dominés. Il fallait qu’il parte. Tous
les leviers possibles et imaginables ont été actionnés pour atteindre cet
objectif. La mauvaise volonté dans le désarmement de la rébellion, l’asphyxie,
ces derniers mois, de l’économie ivoirienne, sans crainte aucune de la
souffrance humaine induite par les privations et les pénuries, ainsi que le
lynchage médiatique sont autant d’armes au service de l’ingérence et de la
déstabilisation.
Je rends
personnellement hommage à un homme de courage et de dignité qui a été le
premier à défier l’un des hommes politiques les plus puissants du continent
africain et à avoir fait de la prison avec sa femme au nom du multipartisme et
de la démocratie.
Qu’y
a-t-il de commun entre les interventions en Côte d’Ivoire
et en Libye ? La « protection des civils »
est invoquée dans un cas comme dans l’autre. Que pensez-vous de cette invocation,
qui est un autre nom du droit d’ingérence humanitaire ?
Aminata
Dramane Traoré. Il y a lieu d’étudier de manière approfondie les
similitudes et les différences entre ces deux situations. L’une de ces
similitudes est l’instrumentalisation des populations civiles qui, dans le cas
de la Côte d’Ivoire, sont d’abord victimes de la dérégulation et de la
déprotection dans le cadre du libéralisme économique. Contentieux électoral ou
pas, les Ivoiriens étaient déjà confrontés aux difficultés croissantes d’accès
à l’emploi, à l’alimentation, aux soins de santé.
Ce sort
qu’ils partagent avec l’immense majorité des Africains soumis aux diktats du
FMI et de la Banque mondiale n’est pas de nature à perturber les dirigeants
occidentaux qui, subitement, prétendent voler au secours de la veuve et de
l’orphelin à coups de missiles « humanitaires ».
L’argument
invoqué est le même dans le cas des deux pays en vue de susciter le maximum
d’indignation à l’égard des dirigeants que l’Occident a décidé d’évincer.
La différence
de taille entre la Libye et la Côte d’Ivoire, c’est que le lâchage de Muammar
Kadhafi, qui était devenu un partenaire privilégié, se situe dans la droite
ligne de celui de Zine El Abidine Ben Ali en Tunisie et de Hosni Moubarak en
Égypte.
Comment
jugez-vous le rôle joué
par les Nations unies tout au long du processus électoral, puis lors
de l’offensive contre Laurent Gbagbo ?
Aminata
Dramane Traoré. Le rôle joué par l’ONU en Afrique est le même depuis la fin
des années cinquante. Conçue par les grandes puissances, cette organisation
sert leurs intérêts. L’ONU n’a jamais été un instrument de paix en Afrique. En
1960, à propos de la mort de Patrice Lumumba, Franz Fanon écrivait : « Il ne
fallait pas faire appel à l’ONU. L’ONU n’a jamais été capable de régler
valablement un seul des problèmes posés à la conscience de l’homme par le
colonialisme, et chaque fois qu’elle est intervenue, c’était pour venir
concrètement au secours de la puissance colonialiste du pays oppresseur. » (1)
C’est dire jusqu’à quel point il est urgent de repenser le cadre normatif des
relations entre les nations.
Comment le
continent africain peut-il, dans un tel contexte, reprendre en main son
avenir ?
Aminata
Dramane Traoré. L’intervention militaire conjointe de l’Onuci et de la force
française Licorne en Côte d’Ivoire constitue, de mon point de vue, l’un de ces
grands moments de dévoilement de la nature injuste et cynique du monde actuel.
L’assujettissement des classes dirigeantes africaines fait partie de l’agenda
de l’Occident. Il leur faut aller à l’assaut de l’Afrique pour s’assurer le
contrôle des matières premières, des ressources naturelles indispensables à
leurs politiques de croissance et de compétitivité face à la Chine.
Nous sommes
rattrapés, en Afrique, par des questions de fond qui n’ont pas été examinées
avec rigueur. Nous nous devons de les mettre à plat. La première question qui
me semble essentielle est : quelle Afrique voulons-nous à la lumière de l’état
du monde globalisé, fragmenté et de plus en plus violent ?
Si nous
parvenons à nous saisir de cette question au niveau de chaque pays, des
différentes sous-régions et du continent en outillant les populations de telle
sorte qu’elles puissent s’impliquer à fond dans l’analyse de l’état des lieux,
la formulation, la mise en œuvre et le suivi des solutions pourront jeter les
bases d’une démocratie africaine par et pour les peuples.
C’est un
chantier gigantesque, mais exaltant, qui n’a rien d’impossible si les élites
acceptent enfin de se réconcilier avec le continent.
Bibliographie
Mille Tisserands en quête de futur. Bamako : Edim, 1999,
l’Étau, Actes Sud, 1999.
Le Viol de l’imaginaire,
Fayard, 2002.
Lettre au président des Français à propos de la Côte d’Ivoire et de
l’Afrique en général,
Fayard, 2005.
L’Afrique
humiliée,
Fayard, 2008.
(1) « La mort
de Lumumba : pouvions-nous faire autrement ? », Afrique Action, n° 19,
20 février 1960. Repris dans Pour la Révolution africaine. Écrits politiques,
François Maspero, 1964, réédité
en 2001 par La Découverte.
Autres vidéos d'Aminata TRAORE
Lien vers la vidéo : "Le vrai visage de la France"
Aminata Traoré, la militante qui dénonce l'"humiliante
ingérence" de la France au Mali
Texte par Aude MAZOUÉ
Dernière modification :
20/05/2013
L'ancienne ministre malienne de la Culture, Aminata Traoré,
est l'une des rares personnalités politiques à s’être opposée à l'intervention
militaire de la France au Mali. Une parole discordante que Paris ne veut pas
entendre, selon la militante.
La quasi-totalité des
personalités politiques maliennes soutient l'action de la France au Mali. Seule
voix discordante, ou presque, celle de l'ancienne ministre malienne de la
Culture, Aminata Traoré, dont la parole est régulièrement relayée en France par les
associations altermondialistes.
"Les extrémismes religieux
se nourrissent, au Mali comme ailleurs, de la misère humaine. Il ne suffit pas
de donner des armes et de l’argent au pays pour le faire sortir de la
crise", s’indigne l’essayiste africaine, dans un entretien accordé à
FRANCE 24. "Pour que le Mali retrouve son équilibre, il ne faut pas faire
la guerre au Djihad mais la guerre au chômage et à la misère", résume
t-elle.
La voix discordante du Mali
Si l'intellectuelle malienne
n'était pas favorable à l’intervention militaire française au Mali, elle ne
l'est pas davantage en ce qui concerne la tenue en juillet d’une élection
présidentielle, annoncée mardi 14 mai par l’actuel président malien de
transition, Dioncounda Traoré.
Pour la militante, il y a mille raisons de
s’opposer à la tenue de ce rendez-vous électoral. "On veut démocratiser le
Mali sans lui donner les moyens et le temps de comprendre et de se poser les
bonnes questions", s’insurge-t-elle. D'après elle, la France presse le pas
dans le but de faire coïncider les élections maliennes avec son emploi du temps
militaire. "C’est une ingérence humiliante", confie-t-elle.
Des élections prévues le 28
juillet et largement plébiscitées par la France. "Ces élections doivent
avoir lieu. Pour le peuple malien lui-même, pour l'exemple que nous devons
donner à toute l'Afrique, et pour la légitimité qui doit être celle de l'autorité",
a déclaré François Hollande vendredi 10 mai, dans la cour de l'Élysée, en
compagnie de son homologue nigérien.
Aminata Traore, persona non
grata ?
Aminata Traoré estime que sa
parole dérange. Si les Européens n’ont jamais fait appel à ses services pour
envisager l’avenir politique du Mali, "c’est parce qu’ils ont préféré
s’entourer de béni-oui-oui", explique-t-elle.
La pasionaria en veut pour
preuve le récent refus que le consulat de France lui a opposé alors qu’elle
devait se rendre en Allemagne et en France en avril, à l’occasion d’une réunion
sur le prolongement de l’opération Serval. Aminata Traore a reçu son visa
allemand sans obtenir l’extension Schengen de la France. Simple erreur
administrative ? La militante ne croit pas au hasard.
Contacté par FRANCE 24, le
ministère des Affaires étrangères affirme ne jamais avoir eu l’intention
d’interdire à Aminata Traoré de venir sur le sol français. "Il s’agit très
probablement d’un imbroglio administratif entre la France et l’Allemagne. La
France ne fait pas d’obstacle politique à la venue d’Aminata Traoré sur son
territoire", assure-t-on au Quai d’Orsay.
Indignation des associations
altermondialistes
L’affaire n’a pas manqué de faire
réagir nombre d’associations altermondialistes qui ont pris fait et cause pour
l’intellectuelle africaine.
En tête des indignés, le Crid,
(Centre d’information et de recherche pour le développement) qui regroupe un
collectif de 53 associations internationales et solidaires. Le collectif s’est
fendu le 6 mai d’un communiqué publié sur son site pour dénoncer l’entrave à la
liberté d’expression et au débat citoyen que le refus français suppose.
"Nos organisations, […] désapprouvent unanimement qu’une personne dont les
apports dans les débats internationaux et les liens avec les mouvements de
solidarité internationale sont incontestables, soit ainsi privée de parole en
étant privée de visa", peut-on lire sur le site du collectif.
Aminata Traoré assure finalement
qu'elle n'a que faire de ne pas avoir obtenu de visa français : "Mes mots
sont mes armes à moi. Je n’ai pas besoin de venir en France pour mener mon
combat."
Lien vers l'article et la vidéo associée : Article de France 24 : Aminata TRAORE dénonce l'intervention française au Mali
Interdite de séjour dans l'espace Schengen, Aminata Traoré parle
26/04/2013
02:55:20
Elle qui finalement paye cash sa prise de position audacieuse contre
l’intervention française au Mali, s'explique...
Ceux qui voyaient dans la présidence d'Hollande la fin de la
Françafrique ou une politique africaine de la France plus équitable, peuvent
enfin se faire à la cruelle évidence de la realpolitik. Aminata
Traoré, la militante altermondialiste malienne, n’a pas eu son visa Schengen,
sur instruction de la France à tous les pays de l’espace Schengen.
Aminata Traoré paierait-elle cash sa prise de
position audacieuse, contre l’intervention française au Mali, qui selon elle
cacherait à peine de gros intérêts miniers et géostratégiques au Mali et dans
la sous région ?
La France n’a pas d’amis elle n’a que des intérêts disait le
Général De Gaule, et les intérêts eux, s’accommodent très mal de toutes voix
discordantes.
L'ancienne ministre de la culture malienne et porte-flambeau du « Non
à l'intervention militaire étrangère au Mali » livre à Cameroonvoice son sentiment
après cette déconvenue.
Cameroonvoice :
Nous avons appris avec stupéfaction que les autorités françaises ont refusé de
vous accorder un visa d'entrée en France pour participer à une réunion publique
le 22 avril dernier. Pouvez vous nous confirmer cette information?
Aminata Traoré : En fait, j'ai été
invitée par Die Linke, un parti de gauche
allemand, et des militants français. Je devais faire un tour à Berlin et par la
suite donner une conférence à Paris et Lille. J'avais un visa de circulation de
4 ans de l'espace Schengen qui a expiré au mois de Février.
Quand je me suis rendue à l'ambassade d'Allemagne pour
solliciter un droit d'entrée dans l'espace Schengen, ils m'ont accordé un visa
de trois jours uniquement pour leur pays en me notifiant que la France a
donné des instructions pour qu'aucun pays de l'espace Schengen ne m'accorde de visa.
Il y
avait donc une interdiction de circulation dans l'espace Schengen vous
concernant, dont vous ignoriez totalement l'existence?
Non non, on ne me l'avait pas notifiée avant, c'est à la faveur
de ce voyage que je l'ai su. J'ai été autorisée à aller en Allemagne et à
revenir au Mali directement sans fouler le sol de l'espace Schengen mis à part
l'Allemagne. Je ne sais pas si c'était une exception allemande, ou si les
autres pays de l'espace Schengen pourront m'accorder la même « faveur ».
Ma liberté de circuler est maintenant restreinte. Les consulats
européens échangent entre eux, des listes de personae non-grata, et
les dispositions changent selon la gravité du délit entre guillemets. En ce qui
me concerne, je ne sais pas ce que l'on me reproche. Dans mon cas, j'ai eu la
chance d'avoir cette ouverture de la part de l'Allemagne, mon compatriote Oumar
Mariko (Secrétaire général du SADI, Ndlr), lui il n'a pas pu voyager du
tout.
Vos
prises de position contre l'intervention militaire des forces étrangères au
Mali et notamment celle de la France ne seraient pas la cause de cette
interdiction?
Certainement, sinon je ne comprends pas pourquoi, la
France et surtout les membres de ce gouvernement de gauche, qui m'ont reçue et
qui me connaissent parfaitement le feraient. En principe, nous partageons les
mêmes idées.
Sauf que, la France considère son intervention au Mali comme une
réussite politique et militaire, c'est le Premier ministre Jean-Marc Ayrault
qui l'a dit et ce success story de leur point de vue exige certainement
un verrouillage, qu'il n'y ait pas de critiques, puisque l'unanimité leur
réussit si bien! Vous vous souvenez bien que toutes les résolutions concernant
cette guerre ont été adoptées à l'unanimité au Conseil de sécurité des Nations
Unies, et avant-hier (mardi 23 avril Ndlr) ils viennent aussi de voter à
l' unanimité à l' Assemblée nationale et au Sénat français pour la
prolongation de l'Opération Serval au Mali.
Le
pouvoir politique a changé de main en France voilà bientôt un an et on peut
constater pour le déplorer avec cette opération que la politique africaine de
la France, demeure toujours la même.
Elle demeure inchangée et ils ne nous le cachent pas. Le Général
De Gaulle l'a dit : « la France n'a pas d'amis mais
des intérêts ». Peut-être c'est nous qui nous faisons des
illusions, François Hollande l'a d'ailleurs répété récemment en parlant dossier
Centrafricain quand François Bozizé l'appelait à l'aide. Il lui a fait savoir
que la France défendait ses intérêts et ses ressortissants.
Nous l'apprenons peut-être à nos dépens, parce qu'on se disait
aussi que les temps ont changé et puisqu'ils sont confrontés aux mêmes
difficultés que nous, liées au même environnement économique international,
avec les questions d'aide, de chômage de pauvreté, etc. Mais à la lumière de ce
qui se passe, il y a une grille de lecture qui s'applique à l'Afrique, on est
considéré comme des pays en faillite, pas de d'Etats, pas d'armées, ils peuvent
faire la pluie et le beau temps et ne tolèrent pas de voix discordantes.
Ils ne
tolèrent pas de voix discordantes, pourtant ils se clament chantre de la
liberté d'expression. Peut-on interpréter cette interdiction de territoire
comme une entrave à la liberté d'expression, puisque vous avez un point de vue
discordant?
Oui! Pourtant moi je n'ai pas changé, tout ceux qui me suivent
depuis savent que je n’ai pas changé de discours ceux sont les mêmes idées que
je véhicule. Je ne m'attaque à personne, je condamne tout simplement un système
économique mondial cynique et la guerre fait parti de ce système.
Aujourd'hui la militarisation pour le contrôle des ressources de
l'Afrique fait parti de l'agenda. C'est ce que j'ai dit et c'est ce qu'eux
mêmes ils reconnaissent !!! Alors moi malienne, pourquoi je n'ai pas le droit
de poser ce regard sur les réalités de mon pays en guerre!!!
Comment
envisagez-vous l'avenir du Mali et de la sous-région suite à cette intervention
militaire française appuyée par des troupes africaines?
Je pense que les troupes africaines sont mises à contribution,
et comme je l'ai déjà dit dans mon manifeste ce n'est pas notre guerre, nous
sommes entrés dans une phase de la globalisation qui implique la diplomatie économico-offensive
et la militarisation.
Mais seulement, Al Qaida est une réalité et en même temps
une aubaine, elle permet aux dirigeants africains qui ont mal géré de dire
maintenant que la priorité c'est la lutte contre le terrorisme et aux puissances
étrangères de dire faisons cause commune luttons d'abord contre le terrorisme.
Et moi je dis que le véritable terrorisme c'est la
misère, c'est les injustices, parce que je
sais qu'une bonne partie des combattants, des djihadistes sont
avant tout des jeunes désespérés sans boulot, ils n'ont pas de visas et se
font recruter à la fois par les narcotrafiquants et les djihadistes. C'est
cette réalité qu'il nous faut regarder maintenant de près.
Quelles
leçons devrons-nous tirer de la situation au
Mali et de ce qui vous arrive à vous?
Je souhaite que les Maliens et les Africains s'ouvrent grandement les yeux et les oreilles et se disent qu'en réalité, il n'y a pas un cas malien. Ce qui se passe aujourd'hui au Mali est l'illustration d'une nouvelle étape de la politique de mainmise sur les ressources du continent, notamment les ressources énergétiques, sans lesquelles la sortie de crise, la croissance et la compétitivité ne sont pas envisageables par l'Occident.
Je souhaite que les Maliens et les Africains s'ouvrent grandement les yeux et les oreilles et se disent qu'en réalité, il n'y a pas un cas malien. Ce qui se passe aujourd'hui au Mali est l'illustration d'une nouvelle étape de la politique de mainmise sur les ressources du continent, notamment les ressources énergétiques, sans lesquelles la sortie de crise, la croissance et la compétitivité ne sont pas envisageables par l'Occident.
Au lieu de jouer cartes sur table et changer les règles du jeu,
on préfère nous écrire une autre histoire, nous humilier, nous culpabiliser.
Avec tout ce qui se passe, je considère que le Mali est humilié. Il n’y a donc
aucune raison d'en ajouter en gardant le silence et c'est ce que tout le monde
fait, et les Occidentaux le savent pertinemment.
Raison pour laquelle, je me réjouis aujourd'hui de ce soutien
international parce qu'il y a énormément de gens qui ne comprennent pas,
quelque soit la différence de lecture, qu'un tel traitement me soit réservé.
C'est donc une nouvelle phase de la décolonisation de l 'Afrique. Il nous
appartient maintenant à nous-mêmes de voir où sont les véritables défis.
La
rédaction de Cameroonvoice
NB. L'intégralité de l'entretien sera diffusée
à l'émission "Antenne Libre",
ce Samedi 27 Avril 2013, 14h/16h à Montréal / New York, 19h à Douala, 18h à
Bamako, sur la radio
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