Contributions d'Ahoua DON MELLO sur le rôle de la FRANCE dans la crise ivoirienne
INVITE DU JOUR A EQUINOXE TV LE 28 AVRIL 2014,AHOUA DON MELLO PARLE DE LA CRISE IVOIRIENNE
http://youtu.be/_q2yQizrdN4
I-INTRODUCTION
L’histoire de l’Afrique est jalonnée de
victoires et de défaites d’une communauté sur une autre pour faire face aux
défis du développement ou de conflits avec des forces extérieures au continent,
ou souvent, une combinaison des deux.
Le choc conflictuel pendant la période
de l’esclavage, a conduit à dépouiller le continent africain au profit de
l’occident. Il en est de même de la période coloniale.
Les deux guerres mondiales ayant
affaiblit les puissances coloniales, l’accès à l’indépendance des pays
africains a été encadré par des accords de coopération qui permettaient de
récupérer de la main gauche ce que les colons ont donné de la main droite. Des
conflits provoqués ou des coups d’Etats manqués ou réussis permettent une
surveillance accrue du respect des accords de coopération. Les bases militaires
ainsi déployées dans le cadre des accords de coopération ont souvent servi de
base arrière pour attaquer des pays n’ayant aucun accord de coopération
directe. Les accords de l’OTAN et l’application abusive du chapitre 7 de la
charte de l’ONU ont donné un caractère nomade aux conflits dans le cadre des
guerres secrètes de l’OTAN contre des gouvernants indésirables.
II-LES CONFLITS ET LES MENACES SECURITAIRES POST INDEPENDANCES
L’annexe 8, article 5 des ACCORDS DE
DEFENSE FRANCO-IVOIRIENS DU 24 AVRIL 1961, dispose :
« La République Française est tenue
informée des programmes et projets concernant l’exportation hors du territoire
de la République de Côte d’Ivoire, de la République du Dahomey et de la
République du Niger des matières premières et des produits stratégiques de
deuxième catégorie énumérés à l’article premier.
En ce qui concerne ces mêmes matières et produits, la République de Côte
d’Ivoire, la République du Dahomey et la République du Niger, pour les besoins
de la Défense, réservent par priorité leur vente à la République Française
après satisfaction des besoins de leur consommation intérieure, et
s’approvisionnent par priorité auprès d’elle.»
Telle est la quintessence de la
contrepartie économique de l’assistance militaire au titre des accords de
défense signés avec les pays d’Afrique francophone au lendemain des
indépendances. Par ces accords, la France installe des bases militaires dans
ses anciennes colonies pour « protéger » les pouvoirs en place
et en contrepartie, se proclame propriétaire des matières premières, dicte la
part de revenu qui revient aux Etats indépendants et leur population,
s’octroie ainsi un monopole en import-export et en investissement dans ses
anciennes colonies.
Le développement économique et social tant espéré de ces accords tourne au drame 50 ans après. A partir des années 1980 la détérioration des termes de l’échange, l’effondrement financier et économique et l’accroissement insupportable de la dette ont été les conséquences de ce monopole pendant que plusieurs pays du Moyen-Orient, avec une politique commune sur une seule matière première (le pétrole), inondaient et inondent encore le monde entier de pétrodollars.
Le développement économique et social tant espéré de ces accords tourne au drame 50 ans après. A partir des années 1980 la détérioration des termes de l’échange, l’effondrement financier et économique et l’accroissement insupportable de la dette ont été les conséquences de ce monopole pendant que plusieurs pays du Moyen-Orient, avec une politique commune sur une seule matière première (le pétrole), inondaient et inondent encore le monde entier de pétrodollars.
Ce monopole militaro-économique est la
cause fondamentale du désastre social et sanitaire dans lequel sont plongés les
pays de l’Afrique francophone.
Ces accords qui étaient censés sortir
les pays francophones du sous-développement ont, au contraire, constitué des
cordes au cou des leaders et Chefs d’Etat africains qui avaient le choix entre
se soumettre et être pendus (cf. Mongo Béti, main-basse sur le Cameroun). La
catastrophe économique, sociale et sécuritaire a été inévitable.
Aussi, sans une évaluation de ces
anciens accords, de nouveaux accords sont-ils signés à partir de 2011,
renouvelant ainsi le pacte colonial et la présence des armées françaises en
Afrique, faisant des militaires africains d’eternels étudiants.
52 ans après, le Sommet Françafrique
(organe suprême de ces accords) se mue en Sommet Afrique-France (blanc bonnet,
bonnet blanc), après la signature de nouveaux accords de défense qui
renouvellent la présence militaire de la France dans ses anciennes colonies
avec une contrepartie économique non négligeable, non écrite, mais pratiquée
(voir le cas de la Côte d’Ivoire où les 2/3 des marchés publics sont passés
selon le mode de passation sans appel d’offre ( gré à gré) au profit des
multinationales françaises depuis 2011 et le cas de la Libye où les nouveaux
contrats pétroliers au profit des multinationales Françaises ont suivi juste
après l’élimination de Kadhafi).
A travers quelques exemples, nous allons
montrer comment les conflits et menaces sécuritaires ont été souvent la
conséquence de l’esprit de ces accords et influencent le développement.
II-1 L’EXEMPLE LIBYEN
La Libye accède à l’indépendance le 24
Décembre 1951 sous la conduite du Roi Idris, chef de la confrérie religieuse
des Sanussi. Il signe un accord militaire avec le Royaume-Uni et un protocole
militaire avec les USA.
En 1969, un jeune capitaine de 27 ans, Mouammar Kadhafi prend le pouvoir par coup d’Etat et décide de ne pas renouveler les accords de coopération militaire.
En 1969, un jeune capitaine de 27 ans, Mouammar Kadhafi prend le pouvoir par coup d’Etat et décide de ne pas renouveler les accords de coopération militaire.
Kadhafi décide de mener une politique
fondée sur le panarabisme et le socialisme. Il tente plusieurs fusions avec ses
voisins (Égypte, Tunisie, Tchad, Soudan) qui échouent.
L'attentat de Lockerbie et le
bombardement par les américains des villes de Tripoli et de Benghazi en 1986
développent des tensions entre Kadhafi et les occidentaux. Un blocus occidental
est décidé contre la Libye de 1992 à 1999.
Sous Kadhafi, l’un des pays les plus
pauvres d’Afrique est devenu le pays le plus développé d’Afrique si on se
réfère au classement IDH (Indice de développement humain) établi par le
Programme des Nations unies pour le développement, celui-ci étant de 0,840avec
un PIB par tête d’habitant de plus de 12000 dollars en 2005 grâce au pétrole.
Inspirée par la révolution algérienne, la Libye est membre de l’OPEP et
l'industrie pétrolière était gérée par l'entreprise nationale publique National
Oïl Corporation (NOC) qui disposait d'une participation majoritaire dans tous
les consortiums montés avec les compagnies pétrolières étrangères dans le
domaine de l'exploration, de la production et du raffinage
L'éducation est gratuite pour tous les
citoyens et obligatoire jusqu'au niveau du secondaire. Le taux
d'alphabétisation, avec 82 % de la population sachant lire et écrire, est
le plus élevé d'Afrique du Nord. En 2008, les Libyennes sont majoritaires dans
les universités nationales.
Cette réussite extraordinaire n’a pas
dissuadé l’occident de bombarder la Libye le 19 mars 2011 et d’armer une
rébellion pour détruire la Libye et exécuter le guide Libyen Kadhafi suite à
une guerre démarrée le 13 février 2011 pour prendre fin le 23 octobre 2011.
La Libye produisait 1.5 millions de barils/j et ses avoirs gelés sont
estimés à 150 milliards de dollars. Elle dispose des plus grandes réserves
de pétrole confirmées en Afrique et hautement rentable, facile à pomper. Au 28
mars 2011, les américains déclarent avoir largué 192 missiles BGM-109 tomahawk.
La France a effectué 2.225 frappes aériennes dont 11 missiles de croisière
scalp selon le rapport du ministre français de la défense à l’assemblée
nationale française.
Cette expérience met en évidence deux
conflits aux résultats diamétralement opposés. Le premier oppose le ROI Idriss
valet du Royaume-Uni et des USA à Kadhafi. Ce dernier remporte la bataille et
fait de son pays un exemple de développement en Afrique. Le deuxième conflit
oppose Kadhafi à des rebelles soutenus par l’OTAN. Le résultat est une catastrophe
humanitaire qui plonge la Libye dans une funeste décomposition
politico-militaire et sociale.
II-2 L’EXEMPLE CENTRAFRICAIN
Porteur du flambeau de l’indépendance,
le premier universitaire de la Centrafrique, Barthélémy BOGANDA, premier chef
d’Etat ayant dominé la vie politique de Centrafrique à partir de 1945, meure
mystérieusement lors d’un accident d’avion le 29 Mars 1959. Panafricaniste
convaincu, adulé puis détesté par l’administration coloniale, sa disparition
fait disparaitre son rêve d’une Afrique centrale unie qui le poussa à changer
le nom du territoire coloniale Oubangui- Chari en Centrafrique, espérant, de
tous ses vœux que sous cette appellation, allait se rassembler les Etats
d’Afrique centrale. Son cousin, David Dacko, un instituteur lui succède mais
est renversé par son cousin Jean Bedel BOKASSA le 31 décembre 1965, devenu
empereur en 1977 et renversé par la France en 1979 pour être remplacé par David
Dacko.
Le premier Septembre 1981, André
KOLINGBA chasse David Dacko du pouvoir. A la faveur du multipartisme, André
KOLINGBA reconnait sa défaite et est remplacé par Ange-Felix PATASSE, ancien
premier ministre de BOKASSA. Face aux différentes tentatives de coup d’Etat des
déchus et des déçu du régime PATASSE, celui-ci est chassé du pouvoir par
BOZIZE, son chef d’Etat déchu avec l’appui de la France.
Au terme d’une offensive militaire, le
24 Mars 2013, la coalition séléka prend le pouvoir à Bangui sous la direction
de Michel DJOTODIA pour une transition avec l’accord tacite de la France qui a
appliqué sa politique sélective du soutien armé, contrepartie des accords de
coopération. Le 20 janvier 2014, Catherine SAMBA PANZA accède au pouvoir après
la démission forcée de DJOTODIA par ses pairs de l’Afrique centrale sous ordre
de la France.
SAMBA PANZA prend les commandes d’un
navire en lambeau.
La disparition mystérieuse de Baganda et
les coups d’Etats successifs avec comme chef d’orchestre la France ont fini par
avoir raison de la Centrafrique. Il n’existe plus d’Etat et de statistique
viable et fiable pour mesurer le développement de ce pays.
II-3 L’EXEMPLE TOGOLAIS
Ancienne colonie allemande, le Togo est
partagé en deux après la défaite allemande en 1918. La partie sous protectorat
Anglais est rattachée au Ghana et la partie sous protectorat français formera
le territoire du Togo.
Le Togo accède à l’indépendance le 27 avril 1960 et Sylvanus Olympio est élu président aux dépens de Nicolas Grunitzky, lors d'élections supervisées par l'ONU.
Le Togo accède à l’indépendance le 27 avril 1960 et Sylvanus Olympio est élu président aux dépens de Nicolas Grunitzky, lors d'élections supervisées par l'ONU.
Diplôme en économie politique en 1926 à
la London School of Economics, Sylvanus Olympio décide de battre une monnaie
autonome et invite donc l'ancien commissaire impérial allemand du Togo land
pour battre une monnaie nationale garantie sur le deutschemark.
Le 12 janvier 1963, d'anciens
tirailleurs de l'armée coloniale française, dont le sergent-chef Etienne
Gnassingbé Eyadema, démobilisés au terme de la guerre d'Algérie, prennent
d'assaut le camp militaire Tokoin à Lomé. Ils réclament leur incorporation dans
l'armée nationale.
Chauffés à blanc par les officiers français
qui encadrent l’armée togolaise, les insurgés se dirigent vers la résidence
présidentielle. Fuyant les insurgés, Olympio se précipite à l’ambassade des
USA, point de salut. Il fut arrêté dans sa fuite vers l’ambassade de France et
exécuté.
La période trouble qui succéda à cet
assassinat et qui entraina Nicolas Grunitzky, ingénieur des travaux publics au
pouvoir, fut stabilisée en 1967 lorsque le sergent-chef Etienne
Gnassingbé fut installé au pouvoir après avoir chassé Grunitzky qui meurt
par un accident de voiture en France en 1969. Eyadema ouvre les portes de son
pays aux divers accords de coopération. Il reste inamovible malgré le challenge
de Gylchrist Olympio fils lors des élections multi partisanes de 98. Il est
frauduleusement réélu en 1998, exécute des centaines d’opposants avec des corps
jetés à la mer, impose sa majorité par fraude à l’assemblée nationale et fait
sauter les dispositions limitant le mandat présidentiel instituées par la
conférence nationale de 1991. Il est réélu en 2003 en rejetant la candidature
d’Olympio pour dossier incomplet. Il meurt en 2005 dans le Boeing qui
l’emmenait en France pour des soins.
Contrairement aux dispositions de la
constitution qui fait du Président de l’assemblée nationale le successeur du
Président de la République, l’armée ethnique impose le fils Eyadema comme
Président par intérim. Les pressions de l’Union Africaine l’obligent à valider
son pouvoir par des élections frauduleuses la même année. Eyadema est mort,
vive Eyadema pour que vive la françafrique.
Ainsi le Togo, 56 785 km2 ,
5 800 000 habitants, riche en phosphore (5ème producteur
mondial), en coton, dispose d’une zone franche dès la fin des années 80. Malgré
ce potentiel, le Togo reste l’un des pays les plus pauvres de la planète.
Cet exemple montre comment l’ancienne
puissance coloniale élimine un chef d’Etat au début des indépendances pour ses
initiatives audacieuses pour s’affranchir de toute domination. Ce patriotisme
exemplaire de Sylvanius Olympio est vite balayé pour faire place nette à un
soldat de l’armée française aux ordres. L’impact sur le développement est sans
appel : croissance de la pauvreté.
II-4 L’EXEMPLE DE LA RDC
Ancienne colonie belge, le Congo accède
à l’indépendance le 30 Juin 1960 suite aux élections générales de Mai 1960.
KASA VUBU est élu Président et le chef de la majorité parlementaire, Patrice
LUMUMBA devient Premier Ministre et s’entoure de conseillers étrangers
progressistes. Lors de la cérémonie d’investiture, son discours nationaliste
enthousiasme tout le Congo et froisse le Roi Belge. Des émeutes éclatent. Les
officiers et administrateurs Belges sont chassés au profit des congolais. Le
Roi Baudouin dépêche 11 000 soldats Belges pour venir « protéger la
population belge ». Le Roi encourage la cessation du Katanga (riche région
minière, dominée par la puissante entreprise de l'Union minière du Haut
Katanga), sous la direction de Moise TCHOMBE protégé par l’armée Belge avec le
soutien de l’OTAN. Joseph KASAVUBU révoque LUMUMBA. Le parlement le maintient et
LUMUMBA accuse KASAVUBU de haute trahison. L’ONU vote une résolution pour une
force d’interposition entre les pro-LUMUMBA et les pro-KASAVUBU alliés aux
Belges.
Cette tension au sommet provoque un coup
d’Etat avec l’aide de la CIA et propulse au pouvoir Joseph Désiré MOBUTU, un
journaliste pro-Belge, nommé Chef d’Etat-major par LUMUMBA. Arrêté et conduit
par avion au Katanga, LUMUMBA sera fusillé avec deux de ses compagnons Maurice
Mpolo et Joseph Okito. Le Chef de la gendarmerie du Katanga était alors un français
ainsi que le conseiller militaire de TCHOMBE. Le corps de LUMUMBA sera dissout
dans l’acide. Une révolte des pro-LUMUMBA éclate et est progressivement
réduite. Des groupes armés persistent pendant une trentaine d’année et qui vit
l’émergence d’un certain Laurent-Désiré KABILA, pro-LUMUMBISTE qui combattît
les gendarmes Katangais.
Sa volonté de mettre en œuvre une
politique nationaliste fut sanctionnée par son assassinat et son remplacement
par son fils qui prend les commandes d’un avion en pièces détachées.
Ce scandale géologique, forestier et
énergétique traine encore dans la pauvreté et l’insécurité.
II-5 L’EXEMPLE IVOIRIEN
1932, le jeune médecin Félix HOUPHOUET,
excédé par une pratique coloniale abjecte, a poussé le cri de cœur « on nous a trop volé ». Ce cri, soutenu par une grève de la
vente du cacao, conduira à la fin de la discrimination entre paysan blanc et
noir, à l’abolition du travail forcé, au contrôle de la production et à la
commercialisation du cacao par les africains et la fin du système colonial
direct en s’appuyant sur un instrument de lutte : le PDCI-RDA (Parti
Démocratique de Côte d’Ivoire, section du Rassemblement démocratique Africain).
1960, la Côte d’Ivoire accède à
l’indépendance sous la direction de Félix HOUPHOUET-BOIGNY.
Très vite, cette indépendance est rétrocédée à la France par des accords de coopération militaires, monétaires, économiques, financiers, scientifiques, techniques, diplomatiques.
Très vite, cette indépendance est rétrocédée à la France par des accords de coopération militaires, monétaires, économiques, financiers, scientifiques, techniques, diplomatiques.
La maîtrise de la production et la
commercialisation du cacao par la CAISTAB (la Caisse de stabilisation des prix
du cacao et du café ; permettait de maintenir un prix moyen d'achat aux
producteurs) et la flambée des prix des matières premières à la fin des deux
guerres, ont conduit au développement prodigieux de la Côte d’Ivoire de 1960 à
1980.
Cependant, le cours très bas du cacao
dans les années 80 et la restriction imposée par la division du travail induite
par les accords de coopération empêchant le contrôle de toute la filière
jusqu’au produit fini, ont mis à mal les ressources publiques et ont plongé la
Côte d’Ivoire dans une suite sans fin de crises multiples et multiformes.
1988, dans une rage qui ressemble à celle de 1932, le Président HOUPHOUET-BOIGNY lance un cri de colère: « Ils nous volent notre cacao ! Maintenant on ne vend plus ». Il décide de geler la vente du cacao ivoirien pour faire remonter le cours du cacao sur le marché mondial. Peine perdue, le caractère périssable de la fève du cacao aidant, les multinationales de négoce du cacao notamment le groupe français Sucres et Denrées et le groupe américains Philip Brothers basé à Londres dont les principaux acteurs créeront plus tard Armajaro, à coup de division et de pression de toute sorte, remportent la bataille en 1988. Le Président HOUPHOUET est contraint de diviser par deux le prix d'achat au producteur.
1988, dans une rage qui ressemble à celle de 1932, le Président HOUPHOUET-BOIGNY lance un cri de colère: « Ils nous volent notre cacao ! Maintenant on ne vend plus ». Il décide de geler la vente du cacao ivoirien pour faire remonter le cours du cacao sur le marché mondial. Peine perdue, le caractère périssable de la fève du cacao aidant, les multinationales de négoce du cacao notamment le groupe français Sucres et Denrées et le groupe américains Philip Brothers basé à Londres dont les principaux acteurs créeront plus tard Armajaro, à coup de division et de pression de toute sorte, remportent la bataille en 1988. Le Président HOUPHOUET est contraint de diviser par deux le prix d'achat au producteur.
Le Président HOUPHOUET perd ainsi une
bataille mais décide de continuer la guerre du cacao en tirant les leçons de la
défaite, prenant ainsi en compte les deux paramètres essentiels qui sont : Le
caractère périssable de la fève de cacao et la toute-puissance des
intermédiaires que sont les multinationales du négoce. Ces derniers, sentant la
détermination du "Vieux", décident avec l’appui des États occidentaux
et des bailleurs de fonds, d’imposer la libéralisation et la privatisation de
l’économie ivoirienne. L’agitation sociale qui s’en suit ouvre le pays au
multipartisme sous la pression syndicale et l’activisme politique de Laurent
GBAGBO.
En violation de la Constitution
ivoirienne, les bailleurs de fonds et les pays occidentaux imposent un Premier
Ministre issu de leur rang : Alassane Dramane OUATTARA. S’ouvre alors une
période de privatisations et de liquidation à outrance entraînant le
dépouillement économique de l’État de Côte d'Ivoire et de ses infrastructures
économiques au profit des multinationales.
1992,Pendant que Monsieur Ouattara prône
l’exclusion de l’État du secteur productif, privatise et libéralise à tour de
bras en autorisant la pénétration des multinationales dans la commercialisation
interne du cacao, le Président HOUPHOUET maintient la CAISTAB et décide de
construire une usine de cacao en Chine pour assurer le broyage des fèves. Cette
politique délibérée du Vieux vise à éliminer le caractère périssable de
la fève et à contourner les multinationales du négoce en s’implantant sur le
marché d’avenir.
1993, le Président HOUPHOUET meurt et
Monsieur OUATTARA s’en va après avoir tenté de se maintenir au pouvoir.
Monsieur BEDIE, Président de l’Assemblée Nationale et successeur
constitutionnel, prend le pouvoir. Le Franc CFA est dévalué. Le Président BEDIE
maintient le programme de privatisation et de libéralisation. Tous les grands
négociants du cacao sont en Côte d’Ivoire avec plusieurs réseaux de
ramifications politiques.
NOVEMBRE 2000, Monsieur Laurent GBAGBO
est élu et investi Président de la République avec un slogan : "Donnez-moi le pouvoir pour que je vous le rende". Cela implique, pour
le secteur du cacao, le contrôle interne et externe du cacao par les paysans.
L’objectif stratégique est donc de contrôler au moins 80% du commerce interne
et externe du cacao, de maîtriser la transformation, de capter les marges
intermédiaires sur le cacao au profit des paysans et développer une capacité
d’influence sur le cours mondial du cacao. Une réforme de la filière est
entreprise fondée sur cet objectif. Les positions des multinationales du négoce
dont Armajaro sont donc menacées sur le marché du cacao. Une course contre la
montre s’engage entre le contrôle interne et externe du cacao par l’État et les
paysans d’un côté et les multinationales de négoce dont Armajaro de l’autre.
AVRIL 2002, le Président Laurent GBAGBO dirige une délégation en Chine pour négocier des accords de coopération avec la Chine. Dans le panier des accords, l’usine de cacao en Chine, l’usine de montage de véhicules, de machines agricoles en Côte d’Ivoire, l’Hôtel des Parlementaires, une ligne aérienne directe entre la Chine et la Côte d’Ivoire et des projets routiers.
AVRIL 2002, le Président Laurent GBAGBO dirige une délégation en Chine pour négocier des accords de coopération avec la Chine. Dans le panier des accords, l’usine de cacao en Chine, l’usine de montage de véhicules, de machines agricoles en Côte d’Ivoire, l’Hôtel des Parlementaires, une ligne aérienne directe entre la Chine et la Côte d’Ivoire et des projets routiers.
JUILLET 2002, des révélations sous
pseudonyme du journaliste Franco-canadien GUY ANDRE KIEFFER publiées plus tard
sous son nom en octobre 2002 font état de financement à hauteur de 30 milliards
de FCFA par Armajaro de groupes de rebelles basés au BURKINA FASO et au MALI et
d’un stock de 200 000 tonnes de cacao aux USA.
SEPTEMBRE 2002, la Côte d’Ivoire est réveillée dans son sommeil par un coup d’Etat manqué qui se transforme en rébellion armée. Le pays est coupé en deux, la collecte et le transport du cacao sont bloqués par l’insécurité et crée une pénurie du cacao sur le marché mondial. Armajaro peut ainsi vendre son stock à un prix élevé pour rembourser sa mise dans la rébellion. Les accords de paix signés mettent fin à la reforme de la filière et livre le cacao au pillage systématique des rebelles au profit des multinationales. L’or, le diamant, le bois, le coton, l’anacarde font l’objet d’un pillage systématique ainsi que les agences de la BCEAO dans les zones occupées. Un port sec est crée au Burkina Faso à cet effet.
SEPTEMBRE 2002, la Côte d’Ivoire est réveillée dans son sommeil par un coup d’Etat manqué qui se transforme en rébellion armée. Le pays est coupé en deux, la collecte et le transport du cacao sont bloqués par l’insécurité et crée une pénurie du cacao sur le marché mondial. Armajaro peut ainsi vendre son stock à un prix élevé pour rembourser sa mise dans la rébellion. Les accords de paix signés mettent fin à la reforme de la filière et livre le cacao au pillage systématique des rebelles au profit des multinationales. L’or, le diamant, le bois, le coton, l’anacarde font l’objet d’un pillage systématique ainsi que les agences de la BCEAO dans les zones occupées. Un port sec est crée au Burkina Faso à cet effet.
DECEMBRE 2010, après plusieurs accords
de paix, le Président Laurent GBAGBO réélu, est investi Président de la
République de Côte d’Ivoire par le Conseil Constitutionnel à l’issue du
deuxième tour de l’élection présidentielle. Son adversaire Alassane OUATTARA
est proclamé vainqueur des élections présidentielles par la communauté
internationale sous la direction de Nicolas SARKOZY DE NAGY BOSCA. Une crise
postélectorale s’ouvre. L’Union européenne décide du blocus du port d’Abidjan
et gèle ainsi les exportations du cacao. Elle décide de la fermeture des
banques européennes en Côte d’Ivoire et de la banque centrale (BCEAO) pour
empêcher tout achat intérieur du cacao après avoir fait constituer un stock de
240 000 tonnes à l’extérieur par le groupe Armajaro. Le but de la manœuvre
est d’étrangler le marché du cacao pour provoquer la pénurie sur le marché
mondial et vendre le stock de 240 000 tonnes pour financer une nouvelle
attaque armée de la Côte d’Ivoire.
En réponse, le gouvernement
réquisitionne la Banque Centrale, monopolise la commercialisation du cacao,
prend le contrôle des banques européennes fermées et entre en négociation avec
des partenaires stratégiques des pays émergeants. Une course de vitesse
s’installe donc entre le gouvernement et les multinationales européennes pour
le contrôle interne et externe du cacao.
Le 28 mars 2011, l’armée onusienne et
une cohorte de mercenaires de la CEDEAO enrôlés par la France, violent le
cessez-le-feu instauré depuis 2003 sous la surveillance supposée de l’ONU. Ils
détruisent tous les acquis de la période postcoloniale : école, administration,
centre de santé, biens publics et souvent privés jusqu’à Abidjan. Dans
l’impossibilité de prendre Abidjan, la France de SARKOZY braque l’aéroport
d’Abidjan et fait débarquer un contingent de la Légion étrangère de l’armée
française et des forces spéciales. Un déluge de bombes s’abat sur la résidence
du Chef de l’État et les derniers symboles de la Côte d’Ivoire indépendante et
souveraine : la télévision, les camps militaires, l’université.
Le Chef de l’État, élu par les ivoiriens
et constitutionnellement investi, est arrêté le 11 avril 2011 par les forces
françaises et déporté en Europe pour faire place à l’élu de la communauté
internationale déchirant ainsi le symbole des symboles d’un État souverain : la
Constitution.
Un gouvernement officieux composé de
retraités français est mise en place à côté d’un gouvernement officiel sans
gouvernail servant de masque au vrai gouvernement. L’armée française n’a pas
besoin de masque et le nouveau Chef de l’État ne porte qu'en elle sa confiance pour
assurer sa sécurité à la place de son armée de rebelles illettrés. L’armée
officielle est désarmée, les ivoiriens sont livrés à une armée de mercenaires
et de chasseurs traditionnels DOZOS sans salaire qui vit de vols, de viols,
d’expropriation des citoyens avec la protection d’un Etat tribal qui enferme
aujourd’hui tous les responsables politiques locaux de l’opposition (750) et
contraint en exil plusieurs militants. Les exécutions sommaires dominent
l’actualité.
Une nouvelle réforme de la filière cacao-café
est élaborée faisant une large place au contrôle interne et externe du cacao
par les multinationales du négoce qui ont déjà pris pieds dans la production en
rachetant tous les complexes agro-industriels dans le cadre des privatisations.
Selon le rapport semestriel d’exécution au 31 décembre 2012 de la surveillance multilatérale au sein de l’UEMOA, la croissance économique de la Côte d’Ivoire ressortirait à 8.6% en 2012 après un repli de 4.7% en 2011.
Le secteur primaire afficherait une progression de 0.7%. Il serait tiré par l’agriculture vivrière avec une croissance de 3% due à la bonne pluviométrie. L’agriculture d’exportation ressortirait en baisse de 3.5% du fait principalement de la diminution de cacao de 10.7% en raison du repos végétatif.
Selon le rapport semestriel d’exécution au 31 décembre 2012 de la surveillance multilatérale au sein de l’UEMOA, la croissance économique de la Côte d’Ivoire ressortirait à 8.6% en 2012 après un repli de 4.7% en 2011.
Le secteur primaire afficherait une progression de 0.7%. Il serait tiré par l’agriculture vivrière avec une croissance de 3% due à la bonne pluviométrie. L’agriculture d’exportation ressortirait en baisse de 3.5% du fait principalement de la diminution de cacao de 10.7% en raison du repos végétatif.
Au niveau de l’extraction minière,
l’activité économique se contracterait de 6.5% en liaison avec la baisse des
productions de pétrole (-22.3%) et de gaz (-3.7%)
Dans le secteur secondaire, la
production progresserait de 14.8% avec 30% au niveau du BTP tiré par le 3ème
pont, le pont de Jacqueville et la réhabilitation des secteurs sociaux
Ce rapport montre que la croissance ne
concerne pas les secteurs de création de richesse comme le secteur primaire qui
affiche une progression de seulement 0.7% mais le BTP qui affiche une
croissance de 30%. Or le secteur BTP est entièrement financé par l’aide au
développement et l’emprunt au profit exclusif des multinationales du BTP ;
pendant que les secteurs qui devaient créer de la richesse pour rembourser ces
emprunts et de l’emploi sont en décroissance de 10.7% pour le cacao et de 22.3%
pour le pétrole.
Il n’est donc pas étonnant que la
croissance économique s’accompagne de la croissance de la pauvreté et de
l’endettement public (L’encours de la dette publique interne et externe se
situerait à 6367.9 milliards c'est-à-dire le niveau de la dette extérieure
avant la réduction de celle-ci par le processus PPTE). L’émergence tant
convoitée risque d’immerger la Cote d’Ivoire dans l’endettement et la pauvreté.
1932-2012, un cycle de 80 ans
d’expériences de développement de la Côte d’Ivoire prend fin avec un retour à
la case départ. La leçon fondamentale que l’on peut tirer de l’expérience
ivoirienne est qu’Il ne peut avoir de démocratie et de développement durables
dans un pays sans souveraineté économique et militaire.
III- L’IMPACT DE L’INSECURITE ET DES CONFLITS SUR LE DEVELOPPEMENT
S’il existe des conflits salutaires
comme ceux qui ont conduit Kadhafi ou Thomas SANKARA au pouvoir, il existe des
conflits destructeurs comme ceux orchestrés par la françafrique à travers ses
réseaux pour le maintient des accords de coopération asymétriques pour le
contrôle des ressources de l’Afrique.
La démocratisation et le développement
durables de l’Afrique passe donc par le contrôle interne et externe de ses
matières premières et le développement d’une force armée de dissuasion. Les
énormes profits engrangés par les multinationales du négoce avec la complicité
de certains dirigeants africains sont de loin supérieurs à toutes les formes
d’aides et de besoins en investissement de l’Afrique. Ces énormes profits
échappent aux africains et à leurs États contraints à la politique de la
main tendue. Ces énormes profits entre les mains de quelques multinationales,
constituent une arme de destruction massive contre tout développement du peuple
par le peuple et pour le peuple. Des réseaux Foccart aux réseaux des prédateurs
de matières premières et des trafiquants d’armes, l’insécurité permanente et la
déstabilisation des régimes et des hommes politiques au service de l’Afrique
ont constitué des obstacles au développement du continent.
Cette insécurité a frappé tous les chefs
d’Etat au début des indépendances qui étaient déterminés à assumer leur
responsabilité vis-à-vis de leur peuple et la logique s’est perpétuée contre
les chefs d’Etat insoumis avec comme point culminant la déportation de Laurent
GBAGBO et l’assassinat de Kadhafi, rappelant la triste période coloniale
avec des déclaration qui vont dans le sens d’une véritable recolonisation du genre : « l’Afrique est l’avenir de la France ». Cette profession de
foi des responsables politiques français nous rappelle un passé douloureux et
les bruits de bottes de l’OTAN sous le masque de la lutte contre le terrorisme
sont des signes annonciateurs d’une nouvelle tentative de recolonisation du
continent.
S’approprier toutes les matières
premières africaines dans l’intérêt exclusif des peuples africains comme le
suggère la déclaration des droits de l’homme et des peuples de l’UA, bâtir une
politique commune de contrôle interne et externe et de fixation de prix à
l’instar de l’OPEP, constituent les facteurs décisifs du développement de
l’Afrique. Cela suppose des dirigeants africains n’ayant de compte à rendre
qu’à leur peuple et imprégné d’une conscience continentale intègre. Seuls des
Africains nouveaux débarrassés de tout complexe vis-à-vis de l’occident, de
tout afro-pessimisme, fortement engagé pour une nouvelle Afrique et restant
sourd à toute tentative de manipulation de l’impérialisme occidental, peuvent
servir de cheville ouvrière pour l’indépendance économique et la
souveraineté des États africains.
Il est tant que naissent en occidents
des hommes nouveaux débarrasser du complexe de supériorité et qui puissent
engager le débat dans un esprit constructif avec l’Afrique pour que naisse un
nouvel ordre mondial au profit de tous.
La conquête durable de l’indépendance
économique et de la souveraineté de l’Afrique ne peut être que l’œuvre des
Africains dignes et décomplexés. L’instauration d’un nouvel ordre mondial au
profit de tous exige aussi des hommes nouveaux en occident. Il revient donc de
tirer toutes les leçons de notre histoire pour éviter de nouveaux échecs.
Par le Dr DON MELLO Ahoua
Colloque régional du 4 au 5 avril 2014,
Cotonou-Bénin
Article que l'on peut
retrouver dans Le Nouveau Courrier des 6 et 7 mai pour les abonnés ou encore sur les liens
suivants :
http://www.cameroonvoice.com/news/article-news-15011.html ; http://www.civox.net/L-impact-des-conflits-et-des-menaces-securitaires-sur-le-developpement-en-Afrique-Par-le-Dr-Don-Mello-Ahoua_a4834.html ;
http://eburnienews.net/limpact-des-conflits-et-des-menaces-securitaires-sur-le-developpement-en-afrique-par-le-dr-don-mello-ahoua.
http://www.cameroonvoice.com/news/article-news-15011.html ; http://www.civox.net/L-impact-des-conflits-et-des-menaces-securitaires-sur-le-developpement-en-Afrique-Par-le-Dr-Don-Mello-Ahoua_a4834.html ;
http://eburnienews.net/limpact-des-conflits-et-des-menaces-securitaires-sur-le-developpement-en-afrique-par-le-dr-don-mello-ahoua.
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